Brest insoumise
et les associations

10 octobre 2025

12,5 millions. Près d’un Français sur 5 : c’est le nombre des bénévoles engagés dans le secteur associatif en France. 1 Français sur deux déclarait en 2021 avoir fait des dons aux associations. On le sait, le secteur associatif est une composante essentielle de notre tissu social et économique, en France, comme à Brest. Au niveau national, on dénombrait en 2018 1,3 millions d’associations actives, pour 113 milliards d’euros de revenus totaux, plus de 150 000 structures employeuses, et 1,905 million de salariés.

Mais derrière ces chiffres importants, il nous faut être vigilants : en effet, le secteur associatif national connaît aujourd’hui un véritable plan social silencieux, avec d’abord la fin des contrats aidés, puis le désengagement des pouvoirs publics notamment aux échelles régionales et départementales, et enfin avec la concurrence du privé lucratif sur de nombreux secteurs.

Rappelons aussi que l’aide de l’État au secteur associatif n’est que de 16 milliards contre 211 milliards au privé lucratif.

C’est pour toutes ces raisons que nous soutenons la journée de mobilisation du 11 octobre pour défendre le mouvement associatif.

Et ici, à Brest ?

On dénombre 3000 associations, employant plus de 7400 personnes, soit environ 12% des personnes en emploi sur notre ville (ce qui est légèrement supérieur à la moyenne française) : ainsi plus d’une personne sur 10 à Brest travaille pour le secteur associatif. Et parmi ces employés, près de 70% sont des femmes, ce qui justifie une attention particulière : on connaît le sort des secteurs très féminisés : temps partiels subis, salaires peu élevés, risques psycho-sociaux accrus. D’ailleurs, le travail salarié en association doit être vu dans sa réalité complexe : d’un côté des métiers fortement investis par des personnes qui y trouvent du sens et de l’épanouissement, mais également des salariés particulièrement exposés à la souffrance au travail en raison même de cet engagement particulier au service de leur public.

Et puis le secteur associatif ce n’est pas seulement les salariés ! À Brest, les habitantes et les habitants sont mobilisés dans 84000 participations bénévoles à l’échelle de la ville : au regard de nos quelques 139 000 habitants, c’est un engagement très fort !

Alors, certes, ces chiffres ne sont pas exceptionnels : on retrouve globalement les mêmes échelles de grandeur dans des villes de taille comparable pour le nombre d’associations ou l’engagement bénévole. Mais sans être extraordinaires, ils illustrent tout de même l’ampleur du réseau associatif sur notre ville. Brest est tissée par l’engagement de ses habitantes et de ses habitants.

On pourrait s’arrêter là et se dire que la mairie socialiste a fait du bon travail puisque le secteur associatif est si vivant et dynamique ! Pourtant, derrière ces chiffres, le constat c’est que, comme ailleurs, le secteur associatif souffre aujourd’hui aussi à Brest : galère pour trouver des locaux adaptés, manque de visibilité à moyen terme pour prévoir des actions, angoisse devant les budgets à boucler et les recherches désespérées d’appels à projet pour financer des actions essentielles, épuisement des salariés et des bénévoles…

Le tableau est plutôt morose pour qui s’intéresse à l’état réel du secteur associatif sur Brest : c’est ce que rappellent les collectifs d’associations, et les syndicats de salariés. Ainsi, on verra bientôt le Théâtre du Grain mettre en scène ces difficultés et la parole des salariés dans une pièce de théâtre politique et populaire au Vauban le 05 novembre prochain.

À propos de culture, on peut voir très concrètement la réalité de la baisse de l’engagement de la ville dans ce secteur avec un passage entre 2015 et 2025 de plus de 27 millions d’euros de dépenses en 2015 à 20,75 millions en 2025, soit 7 millions en moins (je précise que ce chiffre ne couvre pas seulement les subventions mais l’implication globale de la mairie sur le sujet). Mais la baisse de ce soutien ne se retrouve pas dans tous les secteurs : en effet, pendant le même temps, le soutien au sport est passé de 7,9 millions en 2015 à 12,04 millions en 2025.

Ainsi, derrière les 22,3 millions d’euros versés en 2024 pour les subventions aux organismes publics et aux associations, il y a des situations très diverses et ces chiffres illustrent la variabilité parfois obscure de la participation réelle de la ville aux différentes thématiques qu’elle porte.

C’est pour toutes ces raisons que, sur ce sujet aussi, nous voulons mettre en œuvre un programme de rupture avec le système Cuillandre actuel.

D’abord, nous mettrons fin au fonctionnement délétère du financement par appel à projets : ça suffit d’instrumentaliser le secteur associatif, ça suffit de mobiliser les salariés et les bénévoles pour répondre à ces appels à projet qui sont une mise en concurrence déguisée des associations entre elles et avec le secteur marchand. Les appels à projet sont une façon pour la municipalité d’avoir la main sur les projets, tout en éparpillant les sources de financement, créant ainsi un véritable casse-tête pour les salariés et les bénévoles qui se transforment en chasseurs d’appels à projets, à l’affût de la moindre proposition, tout ça pour bien souvent chercher à faire financer des actions qui ont vocation à s’inscrire dans le temps. Il faut parfois postuler chaque année aux mêmes appels à projet. Il faut bricoler souvent pour faire rentrer ses actions dans les clous de l’appel à projet. Il faut s’armer toujours de patience et d’espoir pour réussir à obtenir un budget qui financera parfois les actions, mais pas les postes, obligeant à se tourner alors vers d’autres appels à projet ou d’autres collectivités pour compléter le financement. Quiconque ici a déjà échangé avec des salariés ou des bénévoles sait à quel point ces appels à projets sont source de difficultés pour le monde associatif.

Au contraire, nous serons les véritables soutiens des projets fondamentaux portés par les associations, en finançant leur fonctionnement par des conventions pluriannuelles qui tiennent compte de leurs besoins réels : besoins en locaux, en budget, en postes, en accompagnement, …

Depuis la fin des années 2010, la collectivité a instauré une relation ambiguë avec le monde associatif : tout en clamant son soutien, elle en a fragilisé les structures budgétaires en diminuant brusquement les subventions lors du coup de rabot austéritaire de 2016 ; en déplaçant aussi progressivement une partie du soutien apporté sur des appels à projets de court terme ; en incitant certaines grosses structures à être, pour le compte des autres, les employeurs des personnels de direction.

Cette dernière évolution pose d’ailleurs le problème de la démocratie associative : quel est le rôle d’un Conseil d’administration vis-à-vis d’un directeur qui est en fait employé par d’autres ? Ces bricolages sous couvert d’ économie d’échelle et de simplification brouillent en fait les responsabilités, et complexifient finalement le travail des bénévoles dans la gouvernance des structures concernées. Sans nullement remettre en cause la qualité du travail des directeurs et directrices concernés par ce dispositif, il faut absolument clarifier les situations et les chaînes hiérarchiques pour éviter les situations de souffrance au travail pour les salariés et les situations de stress pour les administrateurs.

Nous devons aussi clarifier les choix qui seront fait : il faut des critères clairs et assumés qui expliquent les montants des subventions accordées. Pourquoi cette association est financée à la hauteur de ce qu’elle a demandé alors que celle-ci n’a qu’une partie du budget espéré ? Pourquoi certaines actions sont prises en charge et pas d’autres ? Il ne suffit pas de simplifier les procédures, il faut les rendre publiques. On le voit aujourd’hui, ces choix ne sont pas clairs, et cette opacité est le terreau des rumeurs et des soupçons : telle association serait trop proche de la mairie, telle autre serait mise à l’écart etc. Le rapport de l’INJEP que j’ai déjà cité permet de clarifier ces rumeurs : le clientélisme au niveau national n’est pas la règle mais l’opacité des attributions de subventions fait régner un climat de défiance délétère, entre les associations et les financeurs, et au sein même des membres du secteur associatif, dont les difficultés ont fait des concurrents. Les décisions que nous prendrons seront claires, publiques et assumées.

Nous répondrons aussi aux demandes sur les locaux associatifs, en utilisant par exemple les lieux vides privés et publics en attente de projet pour héberger les associations au plus près des habitantes et des habitants qu’elles souhaitent toucher, nous irons aussi voir du côté des friches urbaines : il nous faut inventer des solutions pour trouver un lieu adapté pour chacun.

Nous aiderons également les associations à sécuriser leurs budgets en les accompagnant plus fortement dans les recherches de financements complémentaires, à l’Europe par exemple, en mettant à leur dispositions les compétences de la collectivité en la matière.

Nous devons aussi réfléchir au rôle de la collectivité dans le soutien à l’engagement associatif : la structure de l’âge des personnes engagées est vieillissante, il est urgent de chercher à mobiliser plus encore les Brestoises et les Brestois. Et pour ça il nous faut comprendre quels sont les freins à l’engagement : est-ce une question de gestion du temps ? Est-ce une question d’organisation familiale et de garde d’enfants ? Est-ce une question de visibilité des différentes associations ? La mairie est le premier acteur de la mobilisation citoyenne : nous devons jouer pleinement ce rôle auprès des habitantes et des habitants. Autre question, de société celle-là : alors que 52% des bénévoles sont des femmes, 60% des présidences sont tenues par des hommes. Nous devons trouver, avec les femmes concernées, des leviers pour qu’elles soient mieux représentées à cet échelon de responsabilité.

Bien sûr, la ville de Brest a pris la mesure du problème et organise prochainement un forum de l’engagement. Mais nous le savons, ce ne sont pas ces grandes messes qui apportent des solutions réelles : ce sont les travaux minutieux au plus près des habitantes et des habitants, menés de concert avec celles et ceux qui connaissent déjà parfaitement le territoire, à savoir nos concitoyennes et concitoyens, et les acteurs associatifs eux-même.

Voilà donc notre engagement auprès du secteur associatif : nous serons un partenaire fiable, solide, ouvert et transparent. La liberté d’association est un droit fondamental, nous refusons qu’une société ultralibérale ne le remette en cause !